Opinions Libres

La voix du peuple

1 vues

Édito – Le Dialogue, dernier rempart et première vertu de la démocratie

Partagez sur facebook

Édito – Le Dialogue, dernier rempart et première vertu de la démocratie

Alors que le Sénégal ouvre une nouvelle page de son histoire politique avec le lancement officiel du Dialogue national, la classe politique se divise déjà entre partisans de la concertation et tenants de la chaise vide. Une fracture symbolique qui, loin de décrédibiliser l’initiative, en souligne toute la pertinence. Car dans une démocratie véritable, c’est précisément en temps de paix, dans la stabilité, que les débats d’avenir doivent avoir lieu. Et c’est à la faveur du calme qu’un pays s’arme pour affronter les tempêtes.

Refuser le dialogue, c’est faire le choix de l’isolement. C’est ignorer la voie civilisée par laquelle les idées opposées peuvent cohabiter, s’affronter sans violence, et coexister sans s’anéantir. La démocratie repose sur cette tension féconde entre les différences, mais cette tension ne peut être contenue que dans un cadre structuré : celui de la parole échangée, de la confrontation maîtrisée, du respect mutuel. Lorsqu’un homme politique, quelles que soient ses convictions, tourne le dos à ce processus, il abdique une partie de sa responsabilité devant la Nation. Car on ne peut prétendre diriger un peuple sans l’écouter, ni sans accepter de dialoguer avec ceux qui pensent autrement.

Ce refus, aussi marginal soit-il aujourd’hui, ne doit pas être banalisé. Il heurte de plein fouet l’effort collectif d’un pays qui cherche, justement, à institutionnaliser une culture du dialogue. Dans d’autres régions du monde, ce sont l’absence de concertation et le mépris du débat qui ont précipité les crises les plus graves. Partout où les armes ont pris le pas sur la parole, les responsables sont toujours revenus — parfois trop tard — s’asseoir autour d’une table de négociation. Le dialogue, quoi qu’on en dise, reste l’ultime horizon. Il est le début et la fin de toute solution durable.

Cette volonté d’instituer une journée nationale du dialogue n’est donc pas un caprice politique. Elle est une réponse lucide à l’exigence de prévention des conflits, à la nécessité d’anticiper les fractures au lieu de les réparer sous la contrainte. Elle s’inscrit dans une démarche républicaine qui cherche à faire de la parole partagée une norme, et non une exception.

Mais au-delà du cadre du dialogue, c’est l’ensemble du système politique sénégalais qui mérite une introspection sérieuse. Le pays compte aujourd’hui un nombre pléthorique de partis politiques, dont beaucoup manquent de représentativité réelle, mais continuent néanmoins de se proclamer porteurs de la voix populaire. Cette fragmentation excessive de l’espace politique affaiblit le débat démocratique et dilue la lisibilité des positions. Elle rend la gouvernance plus fragile, plus confuse, parfois même improductive. Là encore, seul le dialogue permettrait de clarifier les rôles, d’établir des règles partagées et de tracer des perspectives crédibles.

Il ne s’agit pas de rêver à une unanimité illusoire, mais d’instaurer une culture du désaccord utile. Participer à ce dialogue, c’est venir y exprimer ses réserves, ses désaccords, ses propositions, dans le respect des institutions et de la liberté d’expression. C’est prendre part à un chantier national où chaque voix compte, même dissonante.

Un responsable politique, de quelque bord qu’il soit, ne saurait se soustraire à cette responsabilité sans manquer à sa mission. Car le dialogue n’est pas l’apanage du pouvoir : c’est un espace républicain, ouvert à toutes les forces vives. S’y soustraire, c’est abdiquer sa place dans la construction collective.

Refuser la main tendue, c’est laisser le champ libre aux rancœurs, à la méfiance, à la division. Participer, c’est au contraire faire preuve de lucidité, de courage politique et de fidélité à l’idéal démocratique. C’est faire le pari de la raison dans un monde trop souvent guidé par les passions.

En définitive, il faut le redire avec force : il n’existe pas d’alternative durable au dialogue. Il est à la fois le socle et la boussole de toute démocratie. Il est la seule voie vers la paix, la justice et un avenir commun. Et il appartient à chaque acteur politique, au-delà des intérêts partisans, de s’y engager pleinement.

PMD

OPINIONS LIBRES


Partagez sur facebook

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *