Diplomatie sénégalaise : Bougane Guèye critique la visite d’Ousmane Sonko à Ouagadougou et alerte sur une rupture de cap

Diplomatie sénégalaise : Bougane Guèye critique la visite d’Ousmane Sonko à Ouagadougou et alerte sur une rupture de cap
Dakar, 15 mai 2025 – La récente visite du Premier ministre Ousmane Sonko à Ouagadougou continue de susciter de vives réactions au sein de la classe politique sénégalaise. Dans une tribune au ton ferme, Bougane Guèye, président du mouvement Gueum Sa Bopp, dénonce un virage jugé périlleux dans l’orientation diplomatique du Sénégal, pointant du doigt une rupture avec la tradition républicaine et diplomatique du pays.
Depuis l’indépendance, le Sénégal s’est forgé une réputation de stabilité institutionnelle, de respect de l’ordre démocratique et d’engagement panafricain. Une image construite patiemment par des figures emblématiques telles que Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade ou encore Macky Sall. Ces dirigeants ont contribué à positionner le pays comme un acteur majeur sur la scène africaine et internationale, prônant dialogue, paix et multilatéralisme.
Une tradition diplomatique fragilisée ?
C’est dans ce contexte que Bougane Guèye exprime sa préoccupation face à ce qu’il qualifie de « diplomatie parallèle » engagée par Ousmane Sonko. Selon lui, la visite du chef du gouvernement sénégalais au Burkina Faso, dirigé par une junte militaire, envoie un signal contradictoire et brouille les lignes diplomatiques du pays.
« Le Sénégal est perçu comme un sanctuaire démocratique en Afrique. Il ne peut se permettre de donner l’impression de s’éloigner des capitales démocratiques pour s’allier à des régimes de transition militaire », affirme Bougane Guèye. Il rappelle que pendant que le Président Diomaye Faye se rendait en Côte d’Ivoire dans un esprit d’ouverture et de coopération régionale, son Premier ministre prenait la direction de Ouagadougou, alimentant un double discours diplomatique.
Des choix diplomatiques jugés incohérents
L’homme politique met également en avant l’incohérence stratégique de ce déplacement. « Alors que les pays dirigés par des juntes (Burkina, Mali, Niger, Guinée) représentent ensemble à peine 12 % du poids économique de la CEDEAO, le Sénégal seul pèse près de 8 % », écrit-il. Pour lui, ce déséquilibre plaide en faveur d’un positionnement mesuré, plutôt qu’un rapprochement précipité avec des États en rupture avec les normes démocratiques régionales.
Un rappel à la tradition diplomatique sénégalaise
Bougane Guèye insiste sur le fait que la voix du Sénégal est écoutée parce qu’elle repose sur une tradition forte : celle d’une diplomatie respectée, portée par des diplomates et technocrates de renom, tels que Jacques Diouf (FAO), Amadou-Mahtar Mbow (UNESCO) ou Ibrahima Fall (Nations unies). Pour lui, cet héritage ne saurait être sacrifié sur l’autel de choix impulsifs ou de calculs idéologiques.
Il va jusqu’à remettre en question la compétence de l’actuelle équipe diplomatique : « Un Premier ministre incapable de comprendre les ressorts de notre influence internationale, épaulé par une ministre des Affaires étrangères novice, c’est ouvrir la voie à des tensions diplomatiques imprévues. »
Conclusion : préserver une diplomatie d’équilibre
Dans un contexte sous-régional complexe, Bougane Guèye appelle à une diplomatie d’équilibre, respectueuse des valeurs démocratiques qui ont façonné le prestige du Sénégal. « Ce que le monde attend de nous, ce n’est pas une posture de défi, mais une diplomatie qui inspire, qui apaise, qui guide. »
Par cette sortie, le leader de Gueum Sa Bopp rejoint les voix appelant à la prudence et à la cohérence dans la conduite des affaires étrangères, dans un contexte où chaque geste diplomatique est lourd de sens.
OPINIONS LIBRES