L’hôpital sénégalais : quand se soigner devient un parcours du combattant
L’hôpital sénégalais : quand se soigner devient un parcours du combattant
Au Sénégal, être malade ne relève pas seulement du défi médical. C’est un véritable parcours du combattant, un chemin de croix qui commence dès l’instant où l’on franchit les portes d’un hôpital public. Dans ce pays pourtant reconnu pour sa teranga, l’hospitalité semble s’arrêter à l’entrée des structures de santé.
Dès l’accueil, le ton est sec, les visages fermés. Le malade n’est pas accompagné : il est baladé de service en service, souvent sans explication, comme si le simple fait d’être souffrant était une faute. Oser demander une orientation, c’est risquer de provoquer l’agacement de l’agent d’accueil. Et quand il existe un service censé guider les patients, il ne fait bien souvent que les désorienter davantage.
Quand, à force de détermination, vous parvenez enfin au bon service, un nouvel accueil impersonnel vous attend. Aucun mot de réconfort, aucune considération pour votre état. À peine arrivé, on vous tend un papier… pour vous renvoyer à l’entrée. Objectif : payer le ticket de consultation. Pas question de vous examiner avant cela. Votre douleur peut bien attendre : ce qui compte, c’est que la procédure soit respectée.
Mais ce n’est là que le début. Pour payer, il faut d’abord s’enregistrer dans une autre aile de l’hôpital, puis faire la queue au guichet. Tout cela, malgré la douleur, la fièvre ou les vertiges. Vous attendez, vous marchez, vous vous asseyez sur des bancs durs, car vous n’avez pas le choix. Une fois le ticket payé, retour au service : une nouvelle file d’attente vous attend, parfois interminable. Même aux urgences.
Quand enfin un médecin vous reçoit, il est souvent pressé, presque expéditif. Il faut dire qu’il n’a pas toujours le choix : parfois, deux personnes doivent consulter plus de cinquante patients par jour. Dans ces conditions, l’écoute devient un luxe. Mais il faut aussi le dire : certains expédient les malades non pas par contrainte, mais par choix. Ils veulent vite finir pour aller faire du xaar mat, comme on le dit ici — consulter dans des cliniques privées, où le confort et la rentabilité sont plus attractifs.
Et cela se ressent à chaque étape. Certains se contentent de prescrire, de manière quasi automatique, des examens ou un bilan à réaliser à l’autre bout de l’hôpital. Et quand les machines ne sont pas en panne, les délais sont excessivement longs. Il arrive même qu’on vous suggère discrètement de faire ces examens en clinique, en précisant que « là-bas, vous serez mieux pris en charge ». Ce qu’on ne dit pas toujours, c’est que ces cliniques appartiennent souvent aux mêmes médecins.
L’administration n’est pas en reste. À la caisse, on tombe parfois sur des employés au clavier dont la lenteur donne l’impression qu’ils trient le riz grain par grain. Enregistrer un simple dossier peut prendre jusqu’à dix minutes. Un délai insensé quand on est malade, anxieux, et parfois en situation d’urgence.
Tout cela se déroule dans des locaux vétustes, aux chaises en plastique usées, rarement désinfectées, véritables nids à microbes. L’air est lourd, les salles bondées, les patients de tous âges entassés sans précaution sanitaire. À ce rythme, on risque parfois plus d’attraper une autre maladie que de guérir.
Mais ce tableau sombre ne serait pas complet sans évoquer l’exception. Oui, parfois, au détour de ce labyrinthe, on croise un médecin humain, un infirmier attentionné, une secrétaire bienveillante. Des personnes courtoises, empathiques, respectueuses. Des gens qui ont choisi de soigner avec le cœur. Ils existent. Trop rares pour changer le système, mais assez nombreux pour nous rappeler que l’humanité n’a pas totalement disparu de l’hôpital.
Car un hôpital n’est pas une usine à dossiers. C’est un lieu de douleur, de soulagement, d’écoute. Les patients qui y entrent ne cherchent pas des faveurs. Ils demandent simplement une chose : être traités avec dignité.
Et si soigner est devenu une corvée, si accompagner la détresse humaine vous dérange, alors peut-être faut-il envisager un autre métier. Car le malade n’est pas votre ennemi. Il est la seule raison pour laquelle vous êtes là.
Pmd
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